Le Viaduc de Millau

Le viaduc de Millau ou le vertige des chiffres

MILLAU (AFP), le 13-12-2004

Le viaduc de Millau, qui sera inauguré le 14 décembre, est le pont routier le plus haut du monde construit en un temps record de trois ans par la société française Eiffage:
- 245 m: hauteur de la P2, pile la plus haute du monde, la P3 culminant à 220 mètres. Le précédent record (180 mètres) était détenu par le viaduc allemand de Kochertal. Il y a sept piles au total.
- 270 m: hauteur du tablier ou chaussée.
- 343 m: point culminant pile P2 + pylône haubané, soit 23 mètres de plus que la tour Eiffel
- 290.000 tonnes: poids total de l'ouvrage dont 205.000 tonnes de béton

- 36.000 tonnes: poids de la charpente en acier du tablier, dont les deux parties nord et sud ont été lancées , glissées au dessus des piles lors de 18 opérations pour finalement se rejoindre le 28 mai 2004
- 110 tonnes: soudure nécessaire aux 140 soudeurs pour l'assemblage des deux parties du tablier
- 2.460 mètres: longueur du viaduc
- 32 mètres: largeur de la chaussée à deux fois trois voies
- 3,025 %: pente en montée entre le causse rouge au nord et le plateau du Larzac au sud
- 320 millions d'euros: coût du viaduc financé en fonds propres par la société Eiffage
- 120 ans: durée de garantie de l'ouvrage par Eiffage
- 4,90 euros, et 6,50 en période estivale : prix du péage pour une voiture. Les camions paieront 20 euros. Un seul péage situé 4 km en amont du viaduc, avec 18 voies de passage.
- 110 km/h: au delà de cette vitesse du vent, les camions ne pourront pas rouler sur le pont. Pas de limite pour les voitures qui seront abritées par les écrans brise-vent.

 

Une référence-phare pour l'usine Eiffel
LAUTERBOURG (AFP), le 14-12-2004

Le viaduc de Millau est le point-phare d'une longue liste de références pour la société Eiffel de Lauterbourg qui a assemblé 2.078 panneaux pour former le tablier de 2.460 mètres de l'ouvrage entre janvier 2002 et mars 2004.
Le pont de tous les records aura apporté 280.000 heures de travail au total, représentant les deux tiers de l’activité du site, sous la houlette de Marc Buonomo, le chef du projet du viaduc chez Eiffel.
Pour faire face à la charge de travail "exceptionnelle" l'usine alsacienne du groupe Eiffage a engagé jusqu’à 50 intérimaires, "recrutés auprès de sociétés de travail temporaire spécialisées en chaudronnerie et encadrés de près de façon à maintenir le niveau de qualité", explique Pascal Lepers, le directeur de l'usine Eiffel.
C'est l'expérience de Lauterbourg qui lui a permis de respecter le délai de réalisation de 39 mois. Eiffel compte en effet à son actif le Pont de l’Europe à Orléans ou plusieurs ouvrages d’art sur les lignes TGV. Le viaduc de Millau est déjà de l’histoire ancienne à Lauterbourg où l'on va prochainement s'attaquer, entre autres, au 6ème pont de Rouen sur la Seine et au 37ème de Paris, qui reliera le quai de Bercy à la Très Grande Bibliothèque.
"Bien sûr, le fait d’abriter un atelier de construction métallique de 230 mètres de long a compté, mais le marché de Millau, nous le devons d’abord à la valeur de nos équipes", se félicite M. Lepers qui voit dans le viaduc de Millau la récompense d’une tradition locale de transmission de savoir-faire entre générations.
Chaque année, Eiffel/Lauterbourg accueille une dizaine d’apprentis -ils sont 15 actuellement- qui se forment, au contact de leurs aînés, au métier si particulier de la construction de grands ponts. "Ils peuvent pousser leur formation jusqu’au BTS et ils ont l’assurance d’être embauchés à l’issue de leur apprentissage, dès lors qu’ils respectent leur part du contrat. Il ne dépend que d’eux de saisir leur chance", explique Pascal Lepers.
Les recrutements sont devenus plus réguliers à partir du milieu des années 1990. "Auparavant, nous subissions la désaffection pour nos familles de métiers et la conjoncture était moins favorable, si bien que notre pyramide des âges connaît un certain +trou+ dans la tranche des 40/50 ans", note le directeur de l'usine.
L’embauche d’apprentis répond à trois objectifs, explique-t-il : assurer une "légère progression" des effectifs à la faveur de la bonne activité du site aujourd’hui fort de 240 salariés ; compenser les départs en retraite des premiers employés de l’usine ouverte il y a quarante ans ; mais aussi contrer la défection de salariés attirés par l’Allemagne toute proche et ses rémunérations supérieures.
"L’Allemagne, par le passé, nous a pris un certain nombre de jeunes qualifiés. Le phénomène est moins important aujourd’hui, on assiste même à des retours" de travailleurs frontaliers, observe cependant Pascal Lepers.

Un chantier sous haute surveillance météo
MILLAU (AFP), le 13-12-2004

Durant 3 ans, la construction du viaduc de Millau s'est déroulée sans encombre mais la partie aurait pu s'avérer beaucoup plus difficile sans l'assistance de Météo-France, qui, sous contrat avec le concessionnaire Eiffage, participe à l'aventure depuis plusieurs années.
"Sans l'assistance météo de la station de Millau-Soulobres, on aurait pu mener le chantier à bien mais avec un risque complémentaire, et beaucoup plus d'imprécision dans les prévisions", estime aujourd'hui le directeur de projet du groupe Eiffage, Jean-Pierre Martin.
"Fin 1997, l'organisme public à l'origine du projet, l'arrondissement interdépartemental des ouvrages d'art, nous a contactés afin de nous exposer ses besoins en météorologie", se souvient Jean Marchionini, chef du centre départemental de Soulobres.
Pour une gestion optimale du chantier, de début 2001 à fin 2004, Météo-France a fourni à Eiffage des bulletins quotidiens: prévisions de temps très précises à 2 jours ou encore prévisions de vent à 5 jours par tranches de 3 heures.
Si depuis novembre Météo-France est revenu à une assistance plus classique, liée à l'exploitation de l'ouvrage, durant la phase de construction, l'établissement public a multiplié les innovations: des outils spécifiques ont dû être conçus tels certains logiciels de calculs, mais surtout "une veine hydraulique".
Cette veine hydraulique, élaborée à Toulouse, est une maquette au 3.000e du relief de la région. On y a fait couler de l'eau chargée de petites billes. Par laser, on a ensuite mesuré la vitesse et la trajectoire des billes, avant de reconstituer la façon dont l'air s'écoule dans la vallée.
"Une étude en veine hydraulique, ça ne s'était jamais fait en France pour un ouvrage d'art", assure M. Marchionini, pour qui "ce type d'assistance au quotidien est quelque chose de high-tech et totalement nouveau".
Les météorologues ont mesuré l'influence des piles du viaduc sur l'écoulement de l'air afin de disposer au mieux les immenses grues -la plus haute dominait à 265 mètres- et "les sortir autant que faire se peut des tourbillons générés par la présence des piles".

"Selon les prévisions, on changeait le type de manutention des grues. Par exemple, en cas de vent, on évitait de transporter des panneaux de coffrage, à forte prise au vent", témoigne M. Martin.
"Comme le centre départemental est près du viaduc, à un gros kilomètre au nord, on a pu calculer la vitesse et la direction du vent en tout point du viaduc, avec une erreur inférieure à 5%", se félicite M. Marchionini.
Pour le technicien, "fier d'avoir relevé le défi du viaduc de Millau", l'expérience a été "très prenante car il a fallu répondre à des demandes non classiques".
Alors que le modèle numérique habituel de Météo-France permet une prévision à trente kilomètres près, "ici le degré de précision a tourné autour de la centaine de mètres!". L'assistance météo a été "hors-norme, à la hauteur de cet ouvrage d'art."

Les Millavois fiers d'un viaduc "aérien", "bien intégré", "impressionnant"

MILLAU (AFP), le 13-12-2004
Difficile sinon impossible de trouver à Millau un habitant qui ne soit pas sous le charme d'un viaduc jugé "impressionnant", "aérien", "bien intégré dans le paysage", voire "fantasmagorique" lorsqu'il est à moitié noyé dans les nuages.
"Il est impressionnant mais il s'intègre bien, il a des formes fluides, moi je l'aime ce viaduc", lâche Sigrid, réceptionniste à l'hôtel Mercure. "Avant la construction, on se disait +ça va être un emplâtre dans notre paysage, ils vont mettre du fer au milieu de nos montagnes+. Finalement, il n'est pas pesant, et maintenant que les palées (soutainements métalliques) sont enlevées, il est encore plus aérien", poursuit-elle.
Dans le même esprit, Guilhem Bouard, boulanger et restaurateur, explique que "par rapport à l'immensité de l'ouvrage, il s'inscrit bien dans le paysage, ce n'est pas une verrue comme on a pu le craindre lorsqu'on a vu les plans".
Et Sonia, serveuse à la brasserie Le Roll's d'enfoncer le clou: "Il se fond bien dans le décor, il est joli".
Les professionnels du tourisme interrogés sur leur vision du pont routier le plus haut du monde - avec un tablier à 270 m et le point culminant des piliers haubannés à 343 m - font écho à ce concert de louanges.
"Les lignes sont légères, épurées, et il ne défigure pas le paysage", estime par exemple Sylviane Truchetet, directrice de l'office du tourisme. "Il y a certes une masse de béton et d'acier au milieu de la nature mais on en a pris l'habitude et, esthétiquement, c'est une réussite", considère aussi Alain Girard, propriétaire de l'hôtel Le Jalade.
Ce n'est pas Jérôme Rouve, le président de la Chambre de commerce et d'industrie, qui dira le contraire car pour lui "on ne se rend plus compte qu'il est là, on dirait qu'il a été juste posé, qu'il est là depuis toujours".
Toutes ces remarques témoignent d'une formidable cohésion entre les intentions de l'architecte Norman Foster et le projet réalisé. "La question était de savoir si on voulait construire un pont monumental enjambant le Tarn ou, comme je le pensais, si on devait créer un pont allant d'un plateau à un autre. Le viaduc s'élance ainsi d'un seul trait (...) et donne l'impression que la vallée est enjambée de façon harmonieuse, presque sans effort", avait déclaré le Britannique.
Les Millavois, complètement séduits par l'ouvrage, ont parfois un point de vue préféré. "La perspective est extraordinaire en venant de Clermont-ferrand. On l'a sur la droite, on voit bien le côté courbe et la pente, et il a l'air posé sur les deux causses", confie ainsi Jean-Jacques Charles, ingénieur à la Communauté de communes Millau Grands Causses.
Mais la vue la plus surprenante est celle qu'évoque Sylviane Truchetet: "Ici, l'hiver, en début de matinée, il y a souvent du brouillard, les piles sont invisibles et le viaduc est comme posé dans les nuages, c'est presque fantasmagorique..."

Nouveau haut lieu du tourisme industriel

MILLAU (AFP), le 13-12-2004

Le viaduc de Millau, le plus haut pont routier au monde, mis en service le 17 décembre, est devenu en deux ans un haut lieu du tourisme industriel avec 60.000 visiteurs payants et plus de 500.000 curieux venus au pied des piles de l'ouvrage.
"Les visites payantes du chantier ont débuté le 15 juin 2002, on a fait partir des navettes de 17 places du centre-ville, puis on est passé à des bus de 50 places", raconte Sylviane Truchetet.
"L'office du tourisme est passé en deux ans de 70.000 visiteurs en 2002 à 140.000 en 2004", indique la directrice.
"A un moment, c'est presque devenu ingérable, le téléphone n'arrêtait pas de sonner, on devenait fous", poursuit-elle. Du coup, deux personnes sont venues renforcer les quatre hôtesses d'accueil et l'office est désormais ouvert le dimanche. "On a refusé énormément de monde; ce printemps par exemple, il y avait un mois d'attente car les visites pour le grand public n'étaient pas possibles en semaine", confie encore Sylviane Truchetet. Cet engouement inattendu a donc conduit 60.000 personnes au pied des piles pour une visite du chantier à partir du pavillon de Cazalous, avec des guides rémunérés par Eiffage et chargés d'expliquer l'historique et les caractériques des travaux entamés en décembre 2001.
Le transport et la visite durent environ 1H30 et coûtent 10 euros pour les adultes, 5 pour les 12-18 ans et est gratuite pour les moins de 12 ans.
Selon Eiffage, qui recevait des groupes dans la semaine et accueillaient gratuitement le public à l'espace Cazalous (panneaux informatifs et films), quelque 500.000 personnes sont venues sur ce site.
"Comme le tourisme culturel, le tourisme industriel se développe. Les gens sont passionnés par la manière dont a été construit ce viaduc", se réjouit Jean-Luc Gayraud, le président de la Communauté de communes Millau Grands Causses.
"Maintenant se pose la question de transformer le succès de la phase chantier", poursuit l'élu UDF. D'autant qu'Eiffage, le constructeur du viaduc, veut passer la main à la fin de l'année.
"Il faut absolument que les visites continuent", insiste Alain Girard, le président des hôtelliers, "sinon on va déchanter".
Empêtrés dans des guerres de pouvoir et dans un imbroglio foncier - le site de Cazalous est sur un terrain privé - les élus ont tardé à imaginer une formule pour prendre le relais. Finalement, in extremis, la Communauté de communes va succéder à Eiffage tout en confiant la gestion des visites à un prestataire privé.
"On a aussi obtenu que les pistes de chantier soient conservées, elles seront réservées aux visiteurs payants qui depuis Cazalous pourront monter à hauteur du viaduc sur la future aire de Brocuéjouls qui doit ouvrir pour l'été 2006 et d'où le panorama sera superbe", poursuit M. Gayraud.
Reste à savoir si passé l'effet de nouveauté, l'ouvrage d'art attirera autant de visiteurs payants ou si le public se contentera de le regarder.
 

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